Le cardinal et l’hindouiste

Conférence à l’interallié d’Emmanuelle de Boysson : le mystère des frères Daniélou.

Bonsoir à tous. Je suis heureuse d’être parmi vous à l’interallié pour y parler de mon livre : « le cardinal et l’hindouiste », paru aux éditions Albin Michel en octobre de l’année dernière. Assise devant vous, je ne peux m’empêcher de me souvenir de l’attitude de Jean Daniélou quand il prononçait une conférence. Il était désappointant, agité, pétillant, pétulant, intarissable. Sa petite voix sur-aigue portait une inextinguible passion qui volait au-dessus de nos têtes. Rien ne l’arrêtait : il envoûtait. Je me souviens : il avait décidé de parler des grandes valeurs : de la liberté, du bonheur, de la beauté. Je le vois encore, je l’entends nous communiquer son enthousiasme débordant. Je n’aurai pas la prétention de l’imiter, je n’y arriverai pas. Je voudrais seulement tenter de partager avec vous le bonheur que j’ai eu à écrire ce livre. La nécessité aussi. Je m’explique : l’idée de consacrer un livre aux Daniélou me travaillait depuis longtemps. Pourquoi les Daniélou me direz-vous ? Tout simplement parce que je suis l’arrière petite fille de Madeleine et de Charles Daniélou et donc, leurs fils Jean et Alain étaient mes oncles. La personnalité de Madeleine a marqué l’adolescente que je fus. Il y avait de quoi ! Madeleine était une maîtresse femme, mais j’y reviendrai… Permettez-moi d’évoquer, encore pour un instant, mon lien avec cette famille. Catherine, ma grand-mère, fut l’épouse de l’avocat Georges Izard. Elle avait deux autres frères : François et Louis, tué en 1942, alors qu’il survolait Gibraltar lors d’une mission du Général de Gaulle et une sœur : Marie.

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Les principaux protagonistes de mon livre sont Jean et Alain Daniélou. J’ai décidé de me centrer sur les deux fils aînés pour savoir s’il existait entre eux des points de convergence. Et, bien que certains pensent qu’ils sont aux antipodes l’un de l’autre, je suis persuadée qu’ils se rejoignent sur bien des points. C’est d’ailleurs un des thèmes majeurs de mon livre. J’ai pris comme sous-titre : « le mystère des frères Daniélou ». Pourquoi ? Comment expliquer en effet que deux êtres si proches aient pris des chemins si divergents ? On ne peut comprendre leur destin, leur vie qu’en s’intéressant de plus près à leurs parents. Pour étayer mes recherches, je suis partie sur les traces de cette famille bretonne où les ancêtres Daniélou furent longtemps maires et notaires à Locronan et à Douarnenez. Jean disait de son grand-père, anticlérical notoire qui refusa de faire baptiser ses enfants : « Mon grand-père était rouge, mon père était rose et moi, je suis blanc. » Ce père rose, Charles, se lance très tôt dans la politique. D’abord à droite, il s’engage dans la Ligue pour la patrie française sous l’influence de Barrès puis évolue vers la gauche anticléricale grâce à son ami et mentor, Aristide Briand. Cet homme atypique qui savait captiver ses électeurs en leur parlant breton, en grimpant sur des charrettes à bois, se marie en 1904 avec Madeleine Clamorgan, descendante d’une illustre famille normande et des princes Clamorgan, compagnons de bataille de Guillaume le Conquérant. Entre douze et quatorze ans, Madeleine vit au Tonkin où son père, aux côtés de Lyautey et de Galiéni administre la colonie. Elle est alors certainement très influencée par une des mission de son père : la création d’écoles de langue française et la propagation des idéaux de la République. Madeleine est habitée par la foi. De retour à Brest, cette jeune fille douée découvre que la seule voie accessible pour satisfaire à ses ambitions intellectuelles est de devenir éducatrice./ Elle est reçue première à l’agrégation de lettres sur les cinq femmes admises au concours. / Le milieu est très anti-chrétien, très misogyne, l’atmosphère générale est conditionnée par la séparation douloureuse de l’Eglise et de l’Etat. En arrivant au collège Sévigné, la directrice Mathilde Salomon l’avait prévenue : ici, on perd la foi en trois mois. Madeleine ne la perdra pas. Bien au contraire, toute son inspiration est là , nourrie de la certitude que foi et culture sont intimement liées. Elle réagit, se bat, trouve des appuis, des financements, lance un projet ambitieux : fonder une école où, grâce à l’enseignement des lettres classiques, les jeunes filles, ne seront plus la part pauvre d’une nation qui préfère les garder à la maison. Très inspirée par la philosophie de Bergson, Madeleine est une visionnaire, elle pense à l’avenir des femmes à une époque où personne n’y songe. Influencée par l’esprit de Saint-Cyr et de madame de Maintenon, par le modèle éducatif prôné par Fénelon, elle fonde bientôt le collège Sainte-Marie de Neuilly grâce à l’appui inattendu de son mari et de Briand. Tout son système éducatif est fondé sur une pédagogie libérale : « chaque être grandit selon une ligne qui lui est propre », écrit-elle dans l’éducation selon l’esprit. Il faut trouver la clé unique, là est le secret de l’éducateur. Tout est question de respect. Il faut déterminer chez l’enfant la pente secrète de son âme, ses dons, ses aptitudes véritables, même si tout cela a été ignoré de lui, refouler par son éducation et méconnu de tous. » Cette pédagogie est foncièrement optimiste, foncièrement novatrice. Elle est garantie par une sympathie naturelle entre le maître et l’enfant. L’éducation consiste alors à lui faire découvrir la diversité de ses dons. L’esprit Sainte-Marie défend les valeurs de la morale chrétienne, le travail, le service, le désintérêt. Ce modèle exigeant s’adresse d’abord à une élite pour s’élargir à toutes les confessions et à tous les continents. Mais revenons au mystère de ces deux garçons seulement séparés par deux années d’écart. Le premier des six enfants de Madeleine et Charles, Jean, naît à Neuilly, le 14 mai 1905. Il manifeste très tôt un esprit religieux, sinon mystique. Ce sera également le cas de son frère. Dans mes recherches, j’ai découvert une abondante correspondance inédite entre ces deux garçonnets souvent livrés à eux-mêmes, très souvent malades et passant de longs mois à la campagne sous la garde des demoiselles de Sainte-Marie. Dans ses lettres, Jean se sent responsable de son frère. Il veut absolument le convertir. Sans cesse, il l’encourage à faire des efforts de sagesse. Cette préoccupation d’enfant, il la gardera toute sa vie puisqu’il ne cessera d’intercéder pour son frère et de bien des manières. Alain est nettement plus solitaire, se sent mal aimé et trouve des compensations dans son amour pour les animaux. Madeleine semble préférer son fils aîné avec qui elle partage une véritable intimité spirituelle. Vers six ans, Jean manifeste les premiers signes de sa vocation religieuse. Très admiratif du père Léonce de Grandmaison, jésuite et conseiller spirituel de sa mère, il décide, lui aussi, d’entrer dans la compagnie de Jésus. Son choix s’affirmera définitivement à Jersey alors qu’il n’a que douze ans. Son frère préfère les arts à la messe bien qu’il éprouve des émotions mystiques. Il perçoit dans la nature la présence de forces mystérieuses, d’énergie qui lui parlent. Il construit de petits temples païens dans le jardin pendant que son Jean célèbre des simulacres de messe sur des autels miniatures. Les temples d’Alain seront détruits. Décidemment, Madeleine ne comprend pas cet enfant. C’est le début d’un long malentendu. En revanche, Jean lui donne toute satisfaction : il est pieux, studieux, docile, aime les livres que sa mère lui conseille , même quand ils sont expurgés. En grandissant le fossé s’élargit, les lettres en témoignent. Pendant que l’un passe son temps à étudier, à prier, à servir, l’autre est irrésistiblement attiré par la musique, la danse, le chant. Ils partagent cependant une même période de doute. Alain se cherche, Jean hésite. Le premier part pour les Etats-Unis, le second s’accorde une période de grandes vacances selon ses propos. Il en profite pourtant pour passer l’agrégation de grammaire, devient un moment secrétaire de son père au ministère de la marine, participe aux équipes sociales de Robert Garrig et fréquente même le groupe Maritain à Meudon où il retrouve Max Jacob, Cocteau, Stravinski, Julien Green pour ne citer qu’eux. C’est à cette époque qu’Alain décide de faire part à sa mère de son homosexualité. Il mène une vie de bohème, fréquente quelques amis de son frère dont Max Jacob, le compositeur Henri Sauguet et le sulfureux Maurice Sachs. Par l’intermédiaire de Cocteau, il fait la connaissance de son futur compagnon Raymond Burnier. La très catholique Madeleine Daniélou ne reçoit pas la nouvelle avec enthousiasme : c’est la brouille. Alain quitte le pavillon de Neuilly et s’en va en chaussette sur le gravier, sans se retourner. Pour fuir le milieu familial, Alain décide de répondre à l’invitation du prince Zaher en Afghanistan. Le premier contact avec l’Inde est un éblouissement. De Kaboul, Raymond écrit à Pierre Arnal : « Nous irons là où Alain trouvera une civilisation qui lui plaise où il trouvera des corps qui caressent leur âme en dansant, où l’atmosphère rendra à tout travail sa beauté, où le temps reprendra sa forme infinie. » De son côté, les derniers doutes de Jean s’évanouissent. Ce sont plus des interrogations que des angoisses. C’est le début d’une longue amitié avec François Mauriac, la durable fascination pour les idées de Péguy. Avec Georges Izard, son futur beau-frère, il fonde alors, dans une exaltation partagée avec Emmanuel Mounier, la revue Esprit pour dénoncer la pensée toute faite, le désordre établi , la misère et réinstaurer un rapport dynamique entre la mystique et la politique. Madeleine est toujours là puisque c’est elle qui trouve le nom de la revue. Comme pour souligner que l’esprit, c’est elle ! En trente six, Alain et Raymond s’embarquent pour un tour du monde : les Etats-Unis, le Japon, la Chine. Alain déteste l’esprit américain, cette culture superficielle qui a éradiquée la beauté des premières civilisations. Puis, c’est l’Inde, nouveau coup de foudre. « Je suis arrivé à Bénarès comme si je tombais des nues », s’exclame Alain. Très vite, ensemble, ils louent le palais de Rewa Kothi sur les bords du Gange où ils mènent une vie de luxe où il se consacre à l’étude du sanscrit, de l’hindi, de la musique de l’Inde du Nord. Il découvre dans le tantrisme une spiritualité qui reconnaît autant l’art que la sexualité. Alain écrit d’ailleurs : « Le culte de l’amour a toujours été pour moi mêlé au sentiment du divin. » Sa passion pour l’Inde ne le quittera plus. C’est à ce moment-là qu’il se converti à l’hindouisme lors d’un rituel initiatique auquel nul occidental n’avait jusqu’alors été admis. La même année, en 38, par un étrange concours de circonstances, Jean prononce ses vœux à Lyon, à l’issu de presque dix ans de formation. A ce propos, j’ai découvert une incroyable correspondance entre Jean et sa mère. Il lui écrit tous les jours et ce témoignage de premier ordre nous renseigne, de l’intérieur, sur la formation d’un jésuite. Il rédige par ailleurs son journal intime qui sera publié en 1993 sous le titre de Carnets spirituels grâce à l’aide bienveillante de Marie-Josèphe Rondeau et du père Xavier Tilliette. La lecture de ces carnets nous fait intimement comprendre l’évolution spirituelle d’un homme habité par la vocation. Son exigence fait de lui un mystique et, chose rare, un homme de terrain, l’apôtre dont rêvait sa mère, un prêtre à l’écoute, toujours prêt à aider, à comprendre . Jean Daniélou aurait pu n’être qu’un intellectuel, un homme de recherche et de bibliothèque, son apostolat lui permit d’être aussi un serviteur de Dieu attentif à l’âme de son prochain. Ce n’est pas pour rien que chez lui, adoration et contemplation se conjuguent et s’orientent vers toujours plus de respect de l’autre. Juste avant la seconde guerre mondiale, chacun des deux frères commence alors une nouvelle vie, toutes deux placées sous le signe de l’étude et de la défense de textes fondamentaux. A Lyon et plus exactement à Fourvière, Jean découvre les Pères de l’Eglise grâce à deux autres futurs cardinaux, les pères Urs von Baltasar et de Lubac. Il se replonge dans les origines du christianisme, aux sources vives de l’Eglise primitive, fréquente Origène et Grégoire de Nysse. Pour sa thèse, il prépare une traduction de la Vie de Moïse de Saint Grégoire de Nysse et achève un livre austère et fascinant où l’analyse laisse souvent le pas à la poésie : platonisme et théologie mystique. Il co-fonde la célèbre collection Sources chrétiennes et décrypte les influences du judaïsme sur le christianisme originel. En pleine guerre, puisque nous sommes en 1942, il retrouve Paris. C’est l’époque où son apostolat commence. Jean est partout : il est nommé titulaire de la chaire des origines du christianisme à l’Institut Catholique, il s’occupe des normaliennes, donne des conférences à Sainte-Marie, travaille sans relâche. Il publie ses conférences, ses cours, ses prises de positions. Rien ne se perd ! Un lien étroit et secret unit alors spirituellement les deux frères : dès 1943, Massignon demande à Jean Daniélou de célébrer des messes en faveur des homosexuels. Il accepte et continuera ce secret apostolat jusqu’à la mort de Massignon en 1962. Durant ces cérémonies, le père jésuite récite les trois prières d’Abraham composées par son ami. La première, la prière de Sodome intercède pour les homosexuels, la seconde, l’Egire d’Ismaël s’adresse aux musulmans, la troisième, le sacrifice d’Isaac, restée inachevée, est destinée aux juifs. Il va de soi que le but de cette cérémonie est de lutter contre la ségrégation. Dans ses notes de retraite Jean précise sa pensée, explique ses intentions profondes : « Ames pour qui je dois prier d’avantage à la messe en particulier : Alain. » Cette volonté de partager le sort des exclus est une étape manifestement œcuménique et qui le restera. Nombre des livres de Jean Daniélou sont d’ailleurs consacrés au dialogue, pour lui, les différences entre les hommes appellent à l’unité, à la cohésion, jamais à la dissension. Alain, lui, réagit tout autrement, extrêmement intransigeant là où son frère cherche le rapprochement, il condamne souvent violemment les monothéismes. En fait, le point majeur où les deux frères se rassemblent est leur rejet commun de tout dogmatisme, de tout système. L’un comme l’autre pense que la société est un corps vivant. Pour Jean, c’est l’église, pour Alain, c’est le modèle de l’Inde ancienne ; d’ailleurs tous deux consacrèrent un livre à la symbolique du temple. Jean Daniélou publie « le signe du tempe » où il explore les différentes dimensions spirituelle du temple humain en construction, Alain fait paraître un essai, « le temple hindou, centre magique du monde » où il met en avant la force de cette construction qui unit le ciel et la terre. Si Jean est passionné par les sources vives du christianisme naissant, Alain veut retrouver les sources de ce qu’il nomme les vibrations intérieures de l’homme, cette énergie première présente en nous, tendue comme une corde vibrant dans l’harmonie de l’univers. Foncièrement polythéiste, Alain est très marqué par l’enseignement de Swami Karpatri qui lui transmet les conceptions philosophiques et les aspects ésotériques de la tradition hindoue et, plus particulièrement, celle orthodoxe de l’Inde du Nord. Extrêmement respectueux des rites ou pujas comme des pratiques du yoga, Alain devient un hindoue véritable au point de porter, outre la mèche rituelle et le linga d’or autour du cou, un nouveau nom secret Shiva Sharan, le protégé de Shiva. Le disciple préfère acquérir des connaissances plutôt que de sombrer dans la mystique ou dans ce qu’il appelle « les bondieuseries ». Le savoir qu’il reçoit est pour lui seul et n’est pas destiné à être partagé sinon par un tout petit nombre d’initiés. Selon la tradition, l’univers, en perpétuel mouvement, est régi par un rythme mystérieux et par des énergies dont la multiplicité symbolise les divers états du divin personnifiés par une foule de dieux. L’étude des védas lui permet de retrouver une très ancienne filiation. Pour lui, le shivaïsme est la religion mère. Il l’explique aussi bien dans son livre consacré au phallus où il confie sa vision personnelle de cet aspect de l’hindouisme où linga et yoni symbolisent l’accouplement dans sa forme originelle ainsi que dans d’autres ouvrages tels Shiva et Dionysos où il précise la suprématie de la sexualité, élément essentiel du bonheur. Il conçoit ses livres comme un art de vivre et de rester en communion avec un passé immémorial. Pour Alain, rien ne peut mieux traduire la fécondité des énergies comme la musique. Il écrira d’ailleurs : « c’est uniquement dans la musique que nous pouvons pleinement prendre conscience de cette identité de la pensée, de la sensation et de la matière qui nous permet d’appréhender la nature de l’être et du monde car le monde n’est qu’une pensée divine, un rêve que nous percevons comme une réalité physique. » Jusqu’en 1953, Alain se consacre d’ailleurs au développement du nouveau collège de musique et à l’organisation de festivals. Il s’est fixé pour mission de sauvegarder ce qu’il comprend comme un patrimoine universel et mondial, les musiques du monde. Il s’installe ensuite à Pondichéry où il organise des concerts, écrit des livres théoriques consacrés aux intervalles musicaux ou aux textes des puranas. Autre étonnant parallèle entre les deux frères puisque tous les deux établissent des éditions critiques. En revanche, si Jean veut inscrire le catholicisme dans la pensée contemporaine, Alain se bat pour défendre l’hindouisme archaïque. Si le premier s’engage dans la résistance, le second ignore tout de la guerre. Jean se consacre à un apostolat essentiellement dirigé vers les jeunes, alors qu’Alain part à la recherche de sa réelle identité spirituelle, son moi profond. Le père Daniélou est à la fois aumônier auprès des Sévriennes, conseiller, professeur, confesseur, exégète. Sa principale préoccupation est de revivifier le christianisme en voulant retrouver la richesse du mystère et sa sève féconde. Il insiste sur la nécessité de la prière, de la contemplation. Pour lui, l’homme est d’abord un être religieux. C’est-à-dire un être en attente des liens qui l’unissent aux autres. « De quoi souffrent la plupart des hommes ? demande-t-il. De l’angoisse de ne rien avoir à donner, du sentiment d’être inutile. » Jean Daniélou a l’art de poser les questions clés qui retournent l’âme. Grâce au Cercle Saint Jean-Baptise (véritablement crée en Juin 44 autour de mère Marie de L’assomption), Jean Daniélou contribue à imposer une nouvelle conception selon laquelle l’intelligence, écrit-il, est la première forme de l’amour parce qu’elle nous permet de sortir de nous-mêmes et de nous mettre à la place de l’autre. » Loin d’un christianisme sclérosé, il n’hésite pas à inviter des intellectuels d’horizons très différents, de l’archevêque de Nankin au Rabin Eisenberg en passant par un bonze japonais ou le grand critique Stanislas Fumet. Tous ces rapprochements inspirent Jean qui cherche à comprendre le choix d’Alain, son départ, sa religion. Dans le bulletin des amis du Cercle, il reprend un article de son frère consacré à la musique sacrée de l’Inde. Après une vingtaine d’années passées en Inde, entre Bénarès, Pondichéry et Madras, Alain, qui se sent complètement étranger au monde où il avait pris naissance, revient en Europe. En 1961, l’Unesco le charge de préparer une série de disques sur les musiques de l’Orient et de l’Afrique. Il crée l’institut de Berlin avec Nicolas Nabokov d’où il épaule, dans plusieurs pays d’Europe, des festivals de musique traditionnelle. Président du centre d’études des musiques orientales à Paris, il crée la collection des Traditions musicales chez Buchet Chastel et invite, entre autres, les frères Dagar dont il enregistre le chant. Alain, il faut le souligner, est un initiateur puisqu’il est à l’origine de l’engouement actuel pour ce qu’on appelle les musiques extra européennes. Il insiste sur l’authenticité de ces musiques et ne supporte aucune influence extérieure. Ses missions le conduisent ensuite au Japon, en Georgie, à Tokyo et au Vietnam entre autres. Après la mort de Raymond Burnier en 1968 il continue son action et, grâce à la fondation Ford, crée un nouvel institut à Venise. Extrêmement controversé pour ses prises de positions radicales, sion fondamentalistes, Alain se moque de l’opinion d’autrui et persévère. Son frère, lui aussi, déclenche une vague d’hostilité. En 1961 avait paru « scandaleuse vérité », fervent plaidoyer en faveur d’une intelligence chrétienne. Ce livre est violemment décrié par nombre de jésuites. Jean s’insurge contre les philosophies du désespoir, l’existentialisme et l’illusion de l’optimisme marxiste alors en vogue. Ses préoccupations sont gouvernées par l’urgence d’agir. Ses livres apparaissent comme les jalons d’un seul combat dont il est possible de dater l’enracinement dès 1953 avec la parution de son « essai sur le mystère de l’histoire » puis ce sera « culture et mystère », « Evangile et monde moderne », « Oraison problème politique », « la foi de toujours et l’homme d’aujourd’hui », « la crise actuelle de l’intelligence », « la culture trahie par les siens » et « pourquoi l’Eglise » paru en 1972. Pour résumer, Jean Daniélou pense que le bonheur est dans « la découverte du sens de l’existence et dans la communion avec l’absolu ». Ce qui revient à dire communiquer et communier avec la présence de Dieu dans le monde par les hommes, retrouver le sens profond de la parole évangélique à l’œuvre dans l’histoire. Pour lui, « exister, c’est être en rapport avec l’autre, savoir répondre à la grâce par la grâce » Il s’agit de savoir s’ouvrir et recevoir pour être mieux à même de donner librement. Cette dimension du partage écarte toute exclusive et se fonde sur la certitude que le lien commun unissant chaque homme est la nécessité d’adorer. Tout cela est vécu, jamais pesant, jamais pontifiant et comme Jean ne manque pas d’humour, il se permet même un clin d’œil à son frère dans la conclusion de « scandaleuse vérité » il écrit : « Pourquoi aller chercher si loin , au-delà des mers, quand la sagesse est à notre portée, quand il dépend après tout de nous seuls de trouver cette paix ? » Il est vrai que quand on demande à un petit chrétien où est Dieu, il montre le ciel, alors que le petit hindou montre son cœur. Mais Alain ne saisira pas la perche que son frère lui tend. Les prises de positions de Jean ne déplaisent pas à tout le monde, puisque en 62, le pape Jean XXIII l’appelle à participer au concile en tant qu’expert. C’est comme tel qu’il prépare la constitution Dei Verbum seulement achevée en 1965 sous Paul VI. Ce texte dogmatique sur la révélation divine est une pierre d’angle aux nouvelles orientations du concile. Les hautes sphères vaticanes considèrent Jean Daniélou, par la voix du cardinal Garronne, comme un théologien efficace et solide, un diplomate conciliant et un grand travailleur. Jean est alors très heureux de voir progresser l’œcuménisme, même si les menaces qui minent l’église du dedans l’inquiètent. Il craint surtout que des infiltrations idéologiques affaiblissent les affirmations de l’Eglise. Ainsi, celui qui, juste après la guerre, paraissait dangereux dans ses orientations jugées progressistes est, peu à peu, et à tord, considéré comme un réactionnaire, un traditionaliste. Mais son combat n’a jamais changé puisque sa principale crainte est l’affaiblissement de la foi et l’érosion des dogmes. Lorsque Jean est à Rome pour le concile, il va quelques fois déjeuner chez son frère installé à Zagarolo. Alain ne se prive pas d’être caustique. Il qualifie le concile d’unesco du spirituel, il s’amuse qu’on attribue son livre « l’Erotisme divinisé » à Jean ! L‘un comme l’autre ont des convictions inébranlables. Alain considère que Jean est prisonnier du carcan jésuitique, que son univers est limité, qu’il ne peut aller trop loin, faute de quoi, « il perdrait son job », pour reprendre une de ses expressions. Volontairement, les deux frères ne s’engagent jamais sur le terrain de l’autre. Alain, qui n’est guère tolérant, ne souhaite pas plus que son frère une confrontation. Lorsque Jean sait qu’Alain est à Paris, entre Rome et Berlin, il fait tout pour se rendre disponible, mais l’échange est toujours limité par des barrières qu’aucun jamais ne franchira. En revanche, les deux frères partagent le même sentiment du sacré, tous les deux sont sensibles au mystère, même si ce mot n’a pas le même sens pour l’un et pour l’autre. Tous les deux sont habités par un même sentiment d’étonnement presque enfantin, un besoin de partager, de sauvegarder une tradition vivante, souvent en péril. Un même élan les habite. Il est d’ailleurs étonnant de remarquer qu’Alain considérait les exercices de Saint Ignace de Loyola comme l’effort le plus remarquable qu’ait tenté l’Occident pour avancer dans les directions où mènent les techniques du yoga. En ce qui concerne l’Eglise catholique, Alain est extrêmement sévère. Elle recouvre pour lui des valeurs occidentales castratrices qui refusent au corps toute expression sensuelle. En un mot, l’idée du péché est pour lui une abomination. En ce qui concerne l’église, il déplore l’abandon du latin liturgique parce que pour lui, il n’y a pas de religion sans langue mystérieuse, sans quelque chose de magique, dans sa pratique et qui n’a rien à voir avec la morale et les lois sociales. Pour trancher, il pense que le christianisme n’est qu’un courant moral issu du jainisme qui influença Akenaton, le premier des monothéistes égyptiens. En cela d’ailleurs, l’actualité récente ne lui donne pas tord. Chaque frère considère le choix de l’autre comme une erreur de parcours. Jean croit en un Dieu unique venu sauver les hommes, Alain comprend le monde comme un corps animé par des énergies divines et soumis à de grands cycles. Toute la philosophie d’Alain est fondée sur des traditions ancestrales qui tendent à faire de chaque être un Dieu. Jean, au contraire, croit que la parole de Dieu s’inscrit dans l’histoire et que, par l’efficacité de la grâce, Dieu agit sur la vie de chaque homme. Malgré tout, ils sont tous les deux agités par la crise du sacré. Alain a fini par quitter une Inde défigurée, oublieuse de ses origines, une Inde devenue étrangère au sacré qui l’habitait, dans sa structure sociale comme dans ses rites. Jean insiste sur la nécessité de la prière, sur la survie, la foi en la résurrection à laquelle il consacre un livre lumineux. En Mai 68, il compare les événements à « une réaction de mystique sauvage, rimbaldienne, contre l’ennui profond de cette civilisation technocratique. » Seule condition pour que la contestation soit valable, il faut qu’elle vienne après la contemplation. D’ailleurs, comment rencontrer vraiment l’autre en s’étant soi-même perdu ? demande-t-il dans le premier numéro d’Axes. Quelques mois plus tard, il prend l’initiative de rédiger une lettre de fidélité et d’obéissance au pape également signée par François Mauriac, Etienne Gilson, Edmond Michelet et cent mille laïcs. Elle veut protester contre la contestation radicale de certains groupes progressistes. Paul 6 lui manifeste sa confiance et sa reconnaissance en l’élevant à la pourpre cardinalice. Reçu en audience par le pape, Paul 6 lui dit : « ce n’est pas du tout une récompense que j’offre à un vieux serviteur, c’est essentiellement un service : je ne vous laisserai pas chômer, j’ai l’intention de vous faire beaucoup travailler ! » Jean écrit alors dans ses carnets : « Paul 6 m ‘a dit : si je vous ai fait cardinal, c’est pour souffrir avec moi. Nous devons souffrir pour l’Eglise qui traverse des moments si terribles. » Le pape attend de Jean qu’il défende les orientations fondamentales du concile contre les déformations. Devenu protecteur de l’orthodoxie, il se bat pour la primauté du souverain pontife, la hiérarchie de l’église et la fonction des prêtres. La tâche n’est pas facile ! Il admet par exemple le remariage entre divorcés et s’oppose au mariage des prêtres. Il combat la désacralisation et s’efforce de concilier ouverture au monde et respect de la tradition. Sa fougue jamais ne s’altère. Pour lui l’évangile est une parole de libération qui doit être proclamée, c’est sans doute pourquoi il affectionne autant les médias. Jalousé par ses pairs, chahuté par des mouvements contestataires notamment lors de son sacre en la chapelle des Carmes de l’institut catholique, Jean multiplie les interventions. Il est partout : à la radio, à la télévision, en première ligne. Il aime faire la une des journaux, il aime qu’on parle de lui, s’exposer, tant et si bien, que déjà, sans le savoir, il devient une cible.//// La pression est telle qu’il finira par reconnaître que le cardinalat l’a libéré de la tutelle de la compagnie de Jésus. Il répète souvent : j’aime la bagarre ! et ne se fait pas que des amis. Extrêmement agité, débordé, il prend plusieurs rendez-vous en même temps. Le père Xavier Tilliette aime à se rappeler : « Il était si distrait, si impatient, si drôle : il recevait sans arrêt des appels, il courait toujours, il recevait tout le monde, ses conversations étaient publiques, il n’avait pas l’ombre d’un quant à soi. Il oubliait quelques fois une invitation à dîner, on venait le chercher alors qu’il était à table. » Rue Monsieur, on lui reproche d’être trop extériorisé, trop mondain tant et si bien que l’ambiance se dégrade et qu’il finit par aller s’installer rue Notre Dame des Champs chez les sœurs du Cœur de Marie. Un an après l’élection de son beau frère à l’Académie Française, Jean est élu en 1972 au fauteuil du cardinal Tisserant. Premier jésuite cardinal à entrer à l’Académie, il est reçu le 22 novembre 73, à l’âge de soixante huit ans. Jean Guitton prononce le discours de réception écrit par Wladimir d’Ormesson qui vient de mourir, il est entouré par Marcel Achard et Maurice Genevoix qui regarde amusé le cardinal frétiller d’impatience. Comme son frère, le cardinal Daniélou sillonne le monde, de Beyrouth à Mexico jusqu’à Dakar. Il aime retourner au pardon de sa Bretagne natale. Il se rend à celui de Saint Yves à Tréguier le 19 mai 1974. Déjà très fragilisé par l’extrême agitation de sa vie, sa santé donne des signes manifestes de faiblesse. Mais il ne veut rien entendre. Il moura le lendemain d’une crise cardiaque. La mort du cardinal Jean Daniélou est hélas, aujourd’hui encore, souvent sujette à des plaisanteries douteuses. J’ai voulu connaître l’exacte vérité. C’est une des raisons qui m’ont poussé à écrire ce livre. Pour en venir aux faits : j’ai voulu tout savoir, pour tout raconter. J’ai rencontré la jeune femme sur le palier de qui Jean est mort. Grâce à elle, j’ai été soulagée, définitivement. J’ai compris l’exacte nature de leur relation : une amitié fondée sur l’écoute et une aide essentiellement spirituelle. Ce témoignage m’a bouleversée. Cette femme rejetée a décidé d’arrêter son métier à la suite de sa rencontre avec Jean Daniélou. Ce changement de vie m’a profondément émue. J’y ai vu toute l’efficacité fraternelle d’un homme tout entier tourné vers les autres. La presse de l’époque a profité de la disparition d’un prince de l’Eglise, académicien médiatique de surcroît pour traîner sa réputation dans la boue. Je me suis attachée à relater les faits heure par heure, de manière à ce que toute ambiguïté soit levée. En quelques mots : le lundi 20 mai, Jean Daniélou se lève tôt, célèbre la messe à huit heures et passe la matinée à travailler dans son bureau et à recevoir des visites. Le professeur Eric Osborn vient le chercher pour aller déjeuner dans le quartier. Après avoir longuement parlé des pères grecs, le cardinal Daniélou accompagne son ami jusqu’à son hôtel. Son cœur lui impose une halte alors qu’il grimpe l’escalier. Jean Daniélou reprend son souffle et le fil de la conversation. Il projette un congrès patristique en Australie. Vers quatorze heures trente, il passe aux Etudes chercher son courrier. Saute dans le bus 82 pour rentrer chez lui. Il ressort à 15 heures 15 précises et annonce à la portière du couvent : je serai de retour à 17 heures. Il prend un nouveau bus pour se rendre rue Dulong près de la place Péreire où il arrive vers 15 heures quarante. Il s’y rend pour apporter à cette jeune femme dans le besoin de l’argent afin qu’elle puisse payer l’avocat de son mari alors emprisonné. Il monte les quatre étages avec précipitation. Il sonne, il est blanc comme un linge. Il a à peine le temps de dire « qu’il fait chaud ici » qu’il tombe à genoux, sa tête s’écrase sur le sol. Un dernier souffle et puis plus rien. Totalement affolée, paniquée à l’idée qu’on l’accuse de d’avoir tué le cardinal Daniélou, la jeune femme appelle immédiatement Police secours. Le car arrive à quinze heures quarante huit. Les gardiens de la paix trouvent le cardinal encore en vie mais inconscient, le teint violet. Malgré un massage cardiaque et l’arrivée des médecins du SAMU, à seize heures sept, on abandonne toute réanimation. Le patient présente les signes cliniques de la mort cérébrale. Il ne s’est donc passé qu’à peu près une demie heure entre son départ de la Notre Dame des Champs et l’appel à Police Secours. Cette précision est capitale et c’est sans doute parce que beaucoup l’ignoraient qu’ils se sont mis à interpréter et à conjecturer sur des faits qu’ils ne connaissaient pas précisément. Le corps est transporté rue Monsieur. Après examen, je me suis rendue compte que tous les témoignages concordaient. Comme le souligne Alain, extrêmement marqué par cette disparition. « Il est mort comme un saint. Les saints ce ne sont pas les gens qu’on couvre d’honneur ce sont des êtres sur lesquels on crache avec mépris. Le fait qu’il soit allé porter de l’agent à une pauvre fille pour tirer son mari de prison dans un quartier populaire a fait que tout le monde en a profité. /Jean s’était toujours intéressé aux mal aimés. J’ai profondément admiré cette fin semblable à celle des martyrs dont le parfum monte droit vers le ciel sous l’opprobre et les quolibets de la foule. » Si la mémoire de Jean Daniélou a été déshonorée, je tiens à souligner que nombre de personnalités se sont attachées à la saluer, ses collègues académiciens, le père Carré, Maurice Druon, Marcel Achard, sans oublier l’hommage officiel du pape Paul VI et même, vingt ans après sa mort, la reconnaissance du pape Jean Paul II. Quelques temps après, Alain continue de prendre ardemment la défense de son frère. Sur le plateau de l’émission de Bernard Pivot, il dira : « Mon frère est mort comme il l’avait voulu, dans l’abjection. » En songeant à cette phrase, je suis d’autant plus émue qu’Alain ne partageait pas du tout la foi de Jean. Il aurait même pu profiter de sa mort pour dénigrer ses fonctions et son engagement. Il n’en a rien fait. Retiré non loin de Rome, à Zagarolo, Alain s’attelle aux grands livres de la fin de sa vie. Il rédige « les quatre sens de la vie », qui défend les structures traditionnelles de l’Inde et le système des castes. Il se consacre à la première traduction intégrale du Kama Sutra dont l’Occident ne connaissait jusque là que des extraits. Pour Alain, le Kama Sutra est un traité de bonheur et de prospérité qui prépare l’homme au renoncement final, à la plongée dans la contemplation. Alain Daniélou meurt le 27 janvier 94, vingt ans après son frère. D’après sa philosophie, je cite : « A la mort le vase se brise, le noue se défait et chacun des éléments retourne au fond commun pour être utilisé de nouveau dans d’autres êtres. Comme les fleuves qui s’écoulent, se perdent dans la mer en abandonnant noms et formes, ainsi l’âme illuminée, délivrée de son nom et de sa forme, se fond dans l’homme universel fait de lumière. Pour lui, la mort est une chose toute simple, rien de plus qu’un dernier sommeil où l’homme retourne au chantier divin dans lequel il fut façonné comme « le vase brisé devient terre de potier ». Pour conclure, je dirai que parmi les points communs les plus marquants des principaux protagonistes de cette histoire, il faut souligner que tous sont des fondateurs : Madeleine fonda ses collèges, Jean, les Sources chrétiennes, Alain les Instituts. Tous portent sur le monde un regard à la fois émerveillé et neuf. Ce qui est le plus marquant, c’est leur volonté, leur foi, même elle diffère, l’inaltérable confiance qu’ils ont dans les forces vives de l’homme. Ils ne sont ni défaitistes, ni blasés, pas un n’a pas le temps de s’ennuyer. Ils se battent, expliquent, défendent, sans aucun temps mort et cette commune exaltation est sans doute la plus belle part de leur héritage puisque c’est une invitation à ne jamais désespérer et à aller de l’avant. Alain et Jean Daniélou portent un intérêt commun aux textes antiques, les livres et les traditions. Une bibliothèque pourrait être remplie de leurs seuls ouvrages. Tous deux partagèrent la même passion pour les mots et leur puissance. Tous deux furent violemment controversés. J’irai plus loin : de leur vivant, comme après leur mort, ils ne cessent, pour bien des raisons, de déranger, parce que le volontarisme de leur engagement n’est certes pas fait pour les indécis, mais pour réveiller ce qui est en nous vivant à jamais et qu’ils ne cessèrent de mettre en avant et de servir : le sens du sacré, le sens de l’autre, le sens du mystère. Je vous remercie infiniment de m’avoir écoutée.

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