Pierre Canavaggio vient de lire Le salon d’Emilie (Flammarion), d’Emmanuelle de Boysson. Rencontre avec une romancière, journaliste et critique littéraire, présidente du Prix de La Closerie des Lilas.
Le Salon d’Emilie est le premier volume d’une série, Le Temps des Femmes : une femme, un art, un destin. Plongée dans l’univers des salons du XVII ième siècle, ce roman palpitant est aussi une grande histoire d’amour nourrie de rebondissements et d’intrigues. 1643. A la mort de son père, la jeune Émilie Le Guilvinec quitte sa Bretagne natale pour devenir préceptrice dans le Marais, à Paris, chez la comtesse Arsinoé de La Tour. Sa culture, son esprit et sa fraîcheur lui ouvrent la porte des salons littéraires. Emilie rencontre les fameuses précieuses qui se piquent de lettres et d’érudition. L’ambitieuse suscite vite des jalousies. Dans les tourments du royaume déchiré par la Fronde qui terrorise Louis XIV enfant, l’attachante bretonne se débat au cœur des jeux de pouvoir et confie à son journal ses troubles, ses rêves, ses passions aussi. Saura-t-elle se jouer de l’arrogance et des volte-face de cette noblesse dont elle ne partage pas le sang ? Maintiendra-t-elle son rang au milieu de ces brillantes amazones qui excellent dans l’art de la conversation et de la raillerie ? Pourra-t-elle aimer l’homme qu’elle a choisi plutôt que celui qu’on lui impose ? Son ascension la conduira-t-elle à sa perte ?
« Si vous deviez établir vous-même votre état-civil, qu’aimeriez-vous qu’on sache de vous ? »
Emma2B, yeux verts, blonde, 1m 69, 54 ou 55 kilos selon les saisons, selon les balances, née Monnier. Pseudo : Clamorgan. Signe particulier : taureau ascendant taureau. Nom de jeune fille de sa mère : Izard née Daniélou – son grand-père était l’avocat, Georges Izard à qui elle a consacré une biographie. Quatre frères et sœurs. Enfance partagée entre le Maroc et l’Alsace. Bonne élève, surtout en français. Tient son journal depuis l’âge de treize ans. Est devenue écrivain ou chroniqueuse, pour ne pas s’ennuyer. Fondatrice et présidente du Prix de La Closerie des Lilas.
« Vous êtes reconnue comme journaliste et écrivain, combien de livres, romans, essais avez-vous publiés ? Lesquels ?
Une bonne douzaine. Je n’ai plus envie d’écrire des essais, mais j’ai adoré co écrire des livres avec mon ami Claude-Henry du Bord « Ami Amie » et « Nous les bons vivants, ras le bol des rabat-joie ». J’ai bien aimé l’aventure des « Grandes bourgeoises » et des « Nouvelles provinciales ». Je me suis beaucoup amusée à me moquer de mes amies et de moi, parce qu’elles le valent bien. Mon roman le plus personnel est Le secret de ma mère. Je l’ai souhaité sans un mot de trop. Extrait : « Ce que j’aime chez ma mère, c’est justement ce que je lui reproche… Ce nœud entre nous. Justement ce qui m’attire chez elle aujourd’hui. C’est toujours vers elle que je reviens. Il y avait dans les replis de son corps des blessures mal cicatrisées. Peut-être n’en connaîtrai-je jamais la cause ? Parfois il m’arrive de lui en vouloir. Quelque chose la gangrenait sourdement, quelque chose qui me dépasse ».
« Y a-t-il des sujets de livres que vous ne traiterez pas ? »
Mes sujets s’imposent. Parfois, on me les propose. Je n’aime pas raconter des scènes érotiques ou de violence. Je ne suis pas douée pour le thriller ni pour la science fiction. Je ne veux plus faire de romans à plusieurs voix. Ca a des allures de fugue devant l’obstacle. En littérature, le sujet importe peu, l’essentiel est la musique, le style, l’émotion. Trop d’émotion tue l’émotion. Je m’en réfère aux romancières anglaises, comme Virginia Woolf. Libres et légères, selon Edith Wharton, elles suggèrent à travers des images, des scènes, des détails, l’état intérieur des personnages. L’émotion est une chute dans le magique, une ouverture vers le mystère. Je cite de mémoire Pierre Reverdy dont les œuvres complètes paraissent chez Flammarion : « L’art doit émouvoir tout autrement que par les sujets tristes, mélancoliques qui lui sont aussi étrangers les uns que les autres ».
« Vous venez de publier et c’est nouveau pour vous, un roman historique. Est-il le fruit d’une commande, d’un certain goût pour l’histoire, d’un défi ?
Lorsque Guillaume Robert, éditeur chez Flammarion, m’a proposé d’écrire une trilogie sur trois générations de femmes au XVIIe siècle, il a vu juste. Le Prix de la Closerie (réservé aux femmes), mes romans, mon goût pour les destins de femmes et la littérature féminine : son projet me correspondait. J’ai eu envie de me plonger dans le monde des salons littéraires des Précieuses ; j’ai rédigé trois chapitres et un synopsis assez vite : je me suis sentie inspirée, portée. Ensuite, j’ai travaillé en sachant où j’allais mais en prenant des chemins de traverse et de lisière, les plus charmants…
« Quelle part de vous mettez-vous dans vos livres, romans, essais ? »
Différentes facettes de moi. Volontiers comédienne, je force le trait, j’accentue mes défauts (comme dans Les Grandes bourgeoises où chacune a une obsession). On pourrait trouver dans mes personnages une part de moi. Hélas ! comme tout le monde, je suis autre. Dans Le salon d’Emilie, ce fut un délice d’évoquer une ambitieuse qui rêve d’être introduite dans le milieu littéraire, de publier, avec le lourd handicap d’être bretonne et fille de pinardier. J’ai été cette jeune fille, timide, parfois, gaffeuse, trop impatiente ou satirique, j’ai connu des humiliations qui m’ont inspirées la fin, sans que je m’en aperçoive. Des rivalités de femmes, des amours aussi. L’amitié me tient très à cœur, surtout avec les hommes. Dans Ami Amie pour la vie, coécrit avec Claude-Henry du Bord (Le Rocher), nous évoquons ce sentiment de complicité, de confiance devenu un refuge dans un monde où le couple traditionnel vacille.
« Une personne qui aurait lu tous vos livres pourrait-elle faire de vous un portrait ressemblant ? »
Peut-être, mais je n’aimerai pas être enfermée dans une image – je suis claustro ! Mes livres correspondent à des étapes de ma vie. J’ai commencé par une trilogie sur ma famille. Tout d’abord sur mes grands-oncles : Le cardinal et l’hindouiste, ou le mystère des frères Daniélou (Albin Michel). Deux itinéraires hors normes, celui d’un jésuite devenu cardinal, un acteur de l’aggiomamento de Vatican, en lutte contre les excès de l’épiscopat post conciliaire, académicien mondain décédé sur le seuil d’une prostituée. Et celui d’un musicien autodidacte tombé amoureux de l’Inde, recherchant dans Shiva et le tantrisme la sublimation de la sexualité. J’ai publié peu après Georges Izard, avocat de la liberté, puis Le secret de ma mère (Presses de La Renaissance). Ces trois livres correspondent à un besoin de m’enraciner dans une généalogie parfois pesante, de déterrer des secrets de famille. Pour Le salon d’Emilie, je me suis servie de certains détails de ma biographie romancée de Madeleine de La Peltrie, veuve partie vers le Canada au XVII e siècle : L’amazone de la foi : mon côté aventurière. Puis se sont succédé des essais, comme Le secret des couples qui durent. Sans doute avais-je besoin de croire au couple ! Mes romans sur les parisiennes des quartiers chics ou les provinciales révèlent mon goût pour la satire, mon humour, une quête de mon Alsace d’adolescente, aussi. Le salon d’Emilie rassemble une mosaïque : la montée à Paris (comme celle que j’ai vécue en arrivant à dix-sept ans à Sainte Marie de Neuilly), mon désir viscéral d’écrire, ma manie de rédiger un journal, mes ambitions secrètes, un certain regard intéressé sur le milieu littéraire et mes relations professionnelles avec les romancières de La Closerie où nous formons un réseau d’amies liées par des connivences.
« Quelle est la part de l’invention dans Le salon d’Emilie ? »
La mise en scène des personnages historiques et de fiction, le scénario. Les portraits d’Arsinoé de La Tour, de sa fille Charlotte, de Georges de La Motte, le mari d’Emile sont tout ensemble composés et inventés. Je les ai voulu comiques, parfois pathétiques, comme La Motte. Ce magistrat permet de mieux connaître le rôle du Parlement dans La Fronde. Emilie, est une femme de son temps et moi, bien sûr. Je lui ai imaginé des aventures : un enlèvement, un viol, des amants, une fin qui aurait pu être tragique : veuve, déshéritée, elle est démasquée, rejetée par ses amies… Sa vie parisienne ne la ménage pas !
« Avez-vous du mal à y concilier l’imaginaire et la documentation ? »
Pas vraiment. Comme Cécile Saint-Laurent (Jacques Laurent), je privilégie le romanesque et l’écriture, l’humour, quand c’est possible. La documentation authentifie. J’ai eu du mal à comprendre l’imbroglio de La Fronde et les Mémoires du cardinal de Retz ne m’ont pas facilité les choses ! J’ai beaucoup lu et établi une chronologie des événements. J’ai compris que La Fronde avait été une tentative réactionnaire des nobles pour garder leurs privilèges, même si des voix nouvelles se sont fait entendre allant même jusqu’à remettre en question la royauté. La haine de Mazarin cimentait l’opposition, les libellistes se sont déchaînés. Quoi de plus romanesque que la Grande Mademoiselle et la duchesse de Longueville dont la devise est « Nous serons comme des dieux ». Celle que j’admire le plus est Melle de Scudéry, un écrivain prolixe, une pionnière qui prônait le mariage à l’essai et voulait réformer la langue. Les Précieuses ne furent pas ridicules, ce sont les hommes qui les ont raillées, par peur des rivalités. Ce sont eux qui nous qualifient de maîtresses – quand ils ne nous ont pas épousées.
Pour en revenir à l’imaginaire, Bachelard disait : « La manière dont on imagine est souvent plus instructive que ce qu’on imagine ». Transcender les faits, en jouer, laisser venir des images, nécessite un état intérieur, une disponibilité à l’inconnu. Mon plaisir est de prendre le risque de la page blanche, de me souvenir d’impressions, de mêler fiction et réalité. Une aventure exaltante, presque artisanale.
« Les salons sont-ils nés à cette époque ? Ont-ils donné naissance au féminisme, comme vous le donner à penser ? »
Les salons existaient bien avant. Au XVIIe, le plus réputé est celui de la marquise de Rambouillet, dite Arthénice, anagramme trouvé par Malherbe. Depuis 1618, se réunissaient dans la Chambre bleue des hommes de lettres (La Rochefoucauld, Voiture), les premiers académiciens, des écrivains qui méritaient d’être oubliés et d’autres pas : Chapelain, Benserade, Pellisson, Mairet, Ménage, Malleville… ; les grands de ce monde : Les Condé, les Guise, les Beaufort ; des artistes : Melle Angélique Paulet et des femmes de lettres : Melle de Scudéry, la marquise de Sévigné, madame de La Fayette. On s’y amusait beaucoup : on jouait au Cœur volé, à la Chasse à l’amour, au petit Corbillon, on improvisait des madrigaux, des bouts-rimés, des portraits, rondeaux et impromptus. On introduisait des ours, on faisait des farces, on se déguisait en bergers, bien avant Marie-Antoinette, on jouait des pièces de théâtre (Corneille, Molière), des ballets, des opéras. Dès 1650, les femmes ont commencé à recevoir dans leurs ruelles. La maîtresse de maison était allongée sur son lit, lumières tamisées. Sapho (Melle de Scudéry) avait un salon très prisé, Madeleine de Sablé, la janséniste, recevait à l’abbaye de Port-Royal, la comtesse du Plessis-Guénégaud, à l’hôtel d’Albret… Portées par la vague des précieuses, les bourgeoises ont commencé à les imiter – les fausses précieuses ont volé bas ! Je ne sais pas si ces lettrées furent à l’origine du féminisme, mais dans un monde de brutes, elles ont introduit l’art de la conversation, le sens de l’amitié, de la galanterie. Elles écrivaient, publiaient sous pseudo. Elles donnaient de la valeur aux mots, aux sentiments, usaient de métaphores : un bain intérieur, pour de l’eau, les trônes de la pudeur, pour les yeux… Excentriques, habillées de jupes superposées, chignons à étages, rubans, gourmées, elles ont cherché à se faire remarquer. A défendre leur fierté, à se cultiver, à se passionner pour les sciences et la philosophie. Cinquante ans après, Emilie du Châtelet expliquera à Voltaire la théorie de Newton. La culture rend libre
« En ce début du XVIIe siècle, la Bretagne était-elle, sinon le bout du monde, du moins la fin des terres connues ? »
Mon roman commence à Locronan, cité médiévale où se suivent des générations de Daniélou. Enfant, je suis allée passer des vacances dans le manoir construit par mon arrière grand-père, Charles Daniélou, député de Châteaulin, maire de Locronan et écrivain. Grâce à lui, les maisons de la place ont été classées et préservées. Je garde un souvenir merveilleux du sculpteur Job, des processions… A la fin, Emilie s’installe dans le manoir Daniélou, un clin d’œil ! En Bretagne, tout le monde parlait breton, la moindre des choses ! Il n’y avait qu’à Paris qu’on parlait français. Les tisserands de Locronan fabriquaient des toiles à voiles, il y avait de riches marchands, des agents de la Compagnie des Indes. Quimper était un grand port. La Bretagne s’ouvrait sur l’Océan, le Nouveau Monde.
« Comment définissez-vous Le salon d’Emilie : roman d’amour, sur l’ambition ? »
Il existe une parenté entre Le salon d’Emilie et Les illusions perdues, de Balzac, et surtout Le Rouge et le noir, de Stendhal, mon roman préféré. Stendhal promenait son miroir sur la route reflétant l’histoire de son temps. J’ai tenté d’évoquer le royaume déchiré par la Fronde, les jeux de pouvoir, l’arrogance des Grands, les divisions entre les clans Condé, Retz, Turenne, Beaufort, leurs volte-face, mais aussi, la misère des paysans et de ceux qui ne s’appelaient pas encore des ouvriers. Le thème de l’ambition m’a toujours fasciné : celle de Julien Sorel, d’Emma Bovary, de Bel ami, de Gatsby, le magnifique… Emilie veut conquérir le Marais, elle a besoin d’un nom, d’un rang, elle est attiré par ce qui brille. Elle séduit, flatte, se cultive pour être acceptée dans les ruelles, par curiosité, par goût des lettres. Elle se heurte à la morgue, à la raillerie, à l’hypocrisie de ces nobles qui méprisent les marauds mais sont capables d’apprécier le talent : Arsinoé se sert de sa plume, l’introduit chez la marquise de Rambouillet. Arthénice reçoit Pellisson, « l’amuseur », fils de marchand de vin, ou Angélique Paulet, chanteuse roturière. Roman d’amour ? Bien sûr. Emilie épouse un veuf, deux fois son âge, manchot de surcroît : elle flirte, puis tombe amoureuse de Ronan Le Guillou. Divine surprise : il est breton, poète, tendre, passionné, cultivé et il a ses deux bras !
Roman d’apprentissage aussi ; le caractère de la préceptrice des enfants La Tour s’apparente par certains côtés à celui de Julien Sorel : elle se donne des défis, brave les interdits, jusqu’à se perdre, par sa faute.
« Avez-vous détesté certains personnages que vous avez crées de toutes pièces, ou recrées, dans ce roman qui pourrait être d’un Dumas en jeans ? »
Vous me flattez… Si j’avais le talent de Dumas, on me lirait dans mille ans ! Les personnages les plus amusants pour une romancière sont ceux qui ont le plus de défauts. Rien de plus excitant que d’évoquer leurs colères, leurs vengeances, leur convoitise, leur maniaquerie… Georges de La Motte m’a souvent agacée: il s’emporte, délaisse sa femme. C’est un grand bourgeois aux idées étroites, un piètre politique. Torturé par le jansénisme, impuissant, il ferme les yeux sur les amours clandestines d’Emilie, comme le mari de La princesse de Clèves. Le duc de Beaufort, bâtard d’Henri IV, dit le roi des Halles, s’avère grossier, violent : il fricote avec la duchesse de Montbazon, viole Emilie, trame, ment, se fourvoie, mais sa sottise pimente son portrait. Quant à Charlotte de La Tour, la rivale d’Emilie, elle passe sa vie à comploter contre Emilie, par jalousie, par bêtise aussi. Pourtant, elle souffre : sa mère lui préfère Emilie ; l’homme qu’elle aime la méprise. Ce qui la sauve ? Elle se moque avec raison des salons où elle n’a pas pu se faire une place, ce qu’a réussi mon héroïne.
« Pensez-vous que l’imaginaire romanesque est plus proche de la réalité que l’histoire reconstituée pierre par pierre, comme une mosaïque ».
J’ai beaucoup d’admiration pour les historiens, les grands biographes comme Zweig qui sont capables d’interpréter l’histoire et d’en restituer l’esprit, mais je crois que pour écrire un roman historique, il ne faut pas être historien : on y perd en liberté, on se sent obligé d’étaler sa documentation, son savoir, on néglige des petits faits vrais de la vie. Le roman permet de ressusciter, autrement, parfois mieux – quand il s’agit de Dumas par exemple, d’Hugo, de Stendhal – une époque, un monde disparu. Quel historien aurait la réflexion que rapporte Stendhal d’une petite comtesse italienne dégustant une glace sur la baie de Naples : « Quel dommage que ce ne soit pas un péché » ?
« L’écriture est-elle pour vous un passe-temps ? Une obligation intérieure ? Un besoin de rêve éveillé ? Une activité compulsive ? »
J’écris depuis l’âge de onze ans. Cela ne suffit pas à devenir romancière, me direz-vous. La lecture du Journal d’Anne Franck a été une révélation. Je me suis mise à tenir le mien, à raconter des histoires, à écrire des poèmes. Ma mère était assez autoritaire : l’écriture est devenue mon espace de liberté : elle l’est restée. Un jour où je n’écris pas est un jour perdu. « Pas une journée sans écrire », comme Pline Le Jeune a résumé sa vie. C’est une obligation intérieure, une nécessité. Rarement un plaisir. Je suis journaliste à Marie Claire, Service littéraire, à des magazines on line. De temps en temps, je collabore au Magazine des livres et j’ai souvent du mal à m’organiser. Je ne suis pas matinale, j’écris dès que j’ai du temps de libre et même si je suis dérangée par le téléphone, la femme de ménage, les allées et venues dans mon appartement. J’adore être seule et arracher quelques heures à ma vie de femme, de mère. Que dire de plus ? C’est vital.
« Avez-vous commencé à penser à la suite que vous allez sûrement donner au Salon d’Emilie ».
Le Salon d’Emilie fait partie d’une nouvelle collection de Flammarion « Le temps des femmes » sur trois générations d’artistes : un écrivain, une comédienne, une peintre. Je commence la suite, Le théâtre de Blanche. Elle se passe au début du règne de Louis XIV, à l’époque où le jeune souverain avait pour maîtresses Louise de La Vallière puis Athénaïs de Montespan qui mêlera Blanche, la fille d’Emilie, à ses manigances pour conserver les faveurs du roi : messes noires, astrologie, poisons, poudres d’amour…
« Comme romancière, vous sentez-vous plutôt styliste qu’imaginaire ? »
Qu’en pensez-vous ? J’aimerais qu’on dise que j’ai un style naturel. En réalité, je travaille beaucoup mes textes, je corrige sans relâche, je cherche le mot juste, la simplicité, la clarté ; si je crée une petite musique, tant mieux ! Il faudrait qu’il y ait un sentiment dans chaque phrase. Je rêve, je laisse venir des émotions, je conçois une scène et alors, je décapuchonne mon stylo. Je suis souvent étonnée que les idées viennent en délirant. Parfois, je bloque bêtement. Dans ce cas, j’arrête. Mes personnages se vengent, séduirent, se battent… Ils font ce qu’ils veulent. Je recueille les morceaux, je sauve les blessés comme une brancardière. Finalement, je fais plutôt confiance au mystère qui guide ma plume.
« Quelle place faites-vous à l’humour dans vos livres ? »
J’aimerais que ce soit une place de choix ! Tout passe avec de l’humour. Je me moque de moi, comme je me moque de mes personnages. Je leur fais dire toutes sortes de vacheries, de bêtises et après, je sabre. J’adore décrire un milieu, des scènes entre femmes. Je m’inspire de leurs réalités. Un peu comme Proust pour la comtesse de Greffule devenue la duchesse de Guermantes. J’ai la passion d’observer, de recueillir des confidences qui remontent parfois à la surface, sans tomber dans l’indiscrétion. J’adore les mares et les eaux qui ne dorment que d’un œil !